Edito 2024 / 2025

C’est le 15 mars 2002 que Le Verso a ouvert ses portes. à l’époque pas de lieu dédié à la création pour les équipes artistiques indépendantes, à l’époque les compagnies poussaient avec rage les portes de l’institution. Les meneurs s’appelaient Philippe Vincent, Alain Besset, Laurent Fréchuret, Richard Brunel ( aujourd’hui directeur de l’opéra de Lyon !! ) et j’en oublie. De jeunes artistes souvent issus de l’école de la Comédie qui comptaient bien montrer leur travail et se faire entendre.
Le Verso est né dans cette mouvance, dans cette urgence.

Il est aussi le fruit de la rencontre avec Jacques Bellay, comédien permanent à la Comédie (où j’étais alors associé en tant qu’auteur) en partance pour Nice où il allait rejoindre Daniel Benoin dans ses nouvelles fonctions. Jacques me propose de reprendre le théâtre de l’Espace – plutôt un local de répétition dans une ancienne petite usine de mécanique – Allons-y pour le 61 rue de la Richelandière, lieu excentré au bout d’une rue sans âme !
La compagnie Travelling Théâtre avait une dizaine d’années d’existence et avec le Chok Théâtre installé depuis peu à l’autre bout de La Ruelle, nous allions relever le défi de deux théâtres permanents ouverts à la jeune création. Il s’agissait de faire la démonstration que des créateurs étaient en capacité de gérer un théâtre sur le long terme, que les artistes pouvaient aussi diriger les lieux dans lesquels ils se produisent ! Nous avons commencé l’activité sans aide publique, sur les fonds propres de nos compagnies respectives, et il me faut remercier le travail bénévole des membres de l’association qui se sont investis pour faire de ce lieu un véritable petit outil équipé et chaleureux le jour de son ouverture.

Les années ont passé, petit à petit avec le soutien de la ville et du département dans un premier temps nous avons pu structurer notre activité et nous entourer d’une petite équipe permanente. Il me faut citer Cécile Vernet qui était là au tout début mais aussi Aurélie Maurier, Sophie Présumey, Isabelle Rochais qui ont été des compagnonnes précieuses et investies toutes ces années.
Sans oublier bien entendu Jérôme Aubert, notre régisseur pendant plus de 15 ans. Grâce à leur travail quotidien Le Verso a trouvé sa place dans le paysage culturel.
Bien sûr on se fait plaisir à rappeler que Pio Marmaï ou Vincent Dedienne y ont fait leurs premiers pas après l’école de La comédie de Saint-Etienne, mais c’est bien la porte que nous avons tenue si souvent ouverte à des artistes moins reconnus qui fait l’identité du Verso.

 

Aujourd’hui après 22 ans à la direction artistique du lieu il est temps pour moi de passer la main. Il est temps pour moi de me recentrer sur mes deux grandes motivations originelles : l’écriture et la mise en scène. Avec le conseil d’administration de Travelling théâtre qui a soutenu le projet toutes ces années et qui continuera à me suivre avec la compagnie Travelling Théâtre, je quitte ce petit navire avec une certaine fierté. Celle d’avoir créé, avec tous ceux qui nous ont soutenu, un outil nécessaire, convivial et ouvert. Fierté d’une certaine exigence artistique que nous avons voulu tenir quel que soient nos moyens … toujours modestes bien sûr ! Fierté d’avoir pu inscrire ce projet avec ténacité dans le temps long…

Fierté mais inquiétude aussi.
En choisissant de transmettre Le Verso à l’équipe déjà en place je passe la main à celles qui, depuis des années permettent au théâtre de fonctionner au quotidien. Je connais leurs compétences, et je sais que la nouvelle direction saura perpétuer l’esprit du Verso.
Mon inquiétude est plus globale : quelle place pour des lieux de culture et les artistes qui les font vivre dans les années à venir ? Quel place pour le pas de côté, le geste poétique dans une société dont la devise risque de devenir : Identité, Sécurité, Profits.

La richesse d’un pays ce n’est pas que la France qui se lève tôt, c’est aussi celle qui se couche tard pour nous faire rêver, rire ou nous émouvoir.

Gilles Granouillet